FAIRE

Poesis : le mot poésie vient du grec poiesis, «création». Ce n’est probablement pas la première fois que vous entendez cela, mais la poétesse Barbara Köhler a un jour très bien développé la genèse étymologique de la poésie. «La poésie n’est pas un mot du XIXe siècle, même si on l’utilise souvent comme une référence à des idylles préindustrielles, comme un contre-mouvement à une mise en réseau efficace de tout, vers l’intériorité et l’authenticité. elle est plus ancienne et plus élémentaire, plus fondamentale. il s’enracine dans la poiesis, qui signifiait pour les Grecs de l’Antiquité fabriquer, faire en général, créer une œuvre, poiema, a poem – mais aussi une manière d’accepter : faire de quelqu’un le citoyen d’une ville, d’une polis, ou l’adopter, le prendre à la place de l’enfant : c’était aussi cela la poiesis – donner un contexte, une signification, un sens, peut-être dans le sens de directions : un où (poi demande : où), mais moins comme orientation vers un but que comme impulsion de mouvement, une sorte de spin, quelque part signifie aussi poi. Mettre quelque chose dans l’espace, donner de l’espace à quelqu’un, fabriquer, ce qui ne veut pas dire constater : ouvrir des possibilités de mouvement avec cela. 

Mais dans ce cas, l’espace serait moins un lieu, ne pouvant pas être mesuré objectivement, ne pouvant pas être constaté en tant que chose tridimensionnelle, mais plutôt un espace communicatif, intersubjectif, mutuel, déterminé de manière multiple : Une famille, une citoyenneté, une communauté, une société.

MY PRIVATE GARDEN

Notre installation d’archives artistiques expérimentales à l’intérieur montre, à partir d’un inventaire des plantes cultivées dans le jardin de la villa, que pratiquement toutes les plantes ont un passé migratoire. L’«HORTUS CONCLUSUS» à l’extérieur contient une rencontre de plantes issues de l’immigration sous la forme d’un détail d’un motif du tapis qui reliait le sous-sol de la villa à l’entrée.

Nos plantes ne sont pas inoffensives dans les jardins, sur les balcons et dans nos locaux. Elles nous posent des questions urgentes avec leurs histoires et leurs perspectives très différentes selon leur origine. Lisibles à travers leurs noms taxonomiques, elles sont en partie liées à la violence, à l’appropriation et aux crimes de l’histoire coloniale du monde occidental. 

La manière dont les plantes ont été recherchées, découvertes, collectées, transportées et commercialisées a fait partie de l’appropriation coloniale. Violente, exploitante et une arme dans le traitement de l’étranger. 

Transportées dans le monde occidental, elles ont été comprimées dans des systèmes de classement, pratiquement sans prise en compte des connaissances indigènes. Les formes de savoir non occidentales sont ainsi dégradées et recouvertes. Les noms des plantes étaient écrits en anglais et en latin, généralement en italique Le nom des explorateurs qui ont classé taxonomiquement la plante, l’ont dédiée, l’ont découverte, etc. a été abrégé et écrit en caractères droits normaux. Exemple : saintpaulia ionantha H.Wendl.

Aujourd’hui, les noms originaux des plantes dans les pays d’origine ne sont pratiquement plus visibles dans les répertoires. 

En fait, lorsque nous lisons les noms taxonomiques, nous regardons notre ignorance. La boîte noire.

EXERCICES D’ÉTRANGETÉ 

Dans l’installation d’archives, je souhaite évoquer les plantes trouvées sur place, pour ainsi dire comme des fantômes, des monstres, des êtres à part entière, pleins de magie et de beauté, et réfléchir ainsi à ce qui est ignoré, caché. 

Après la rénovation de la villa, la plupart des plantes du jardin auront disparu, seront blessées ou modifiées. Pour un dernier moment, elles doivent redevenir des agents qui nous parlent et avoir une voix. 

Elles peuvent être explorées ici en tant que composantes utopiques d’un possible comportement résistant ou révolutionnaire. «Il y a des marges utopiques (…) qui entourent le réel existant de possibles objectifs-réels». (Ernst Bloch). Les archives reprennent l’idée de ces champs utopiques, ici les boîtes noires de notre ignorance, et en explorent les manifestations possibles au sein d’une installation d’archives polyphonique qui met en relation le fait, la fiction et l’imaginaire dans de nouveaux rapports. 

Les plantes nous relient à la fois au passé et au présent. Elles nous parlent des régions les plus diverses du monde. De leurs voyages dans notre monde dans des conditions souvent violentes dans leur pays d’origine. 

Nos archives ne doivent pas seulement être un entrepôt passif de ce qui a été négligé, mais vous, les visiteurs, êtes invités à enregistrer ici vos connaissances sur les plantes et votre propre histoire en rapport avec les plantes, en tenant compte des mouvements possibles tels que les actes de fugue, de vagabondage, de rébellion, de désertion et d’autres formes souvent illisibles de fuite et de migration, à les échanger avec les artistes et à compléter les archives en permanence. 

Elles doivent continuer à s’enrichir d’un possible «savoir refoulé» (Michel Foucault). On exhume peut-être des traditions utopiques négligées, qui parlent moins d’un lieu futur lointain qu’il faudrait construire selon les idéaux des hommes, que d’une autre façon de vivre et de travailler dans la vie de quartier et la culture urbaine très proches.

„hortus conclusus“ devant la maison

entre autre plantes migrantes avec la Rose

„Peace“

„Je vais chercher dans le monde entier des variétés de roses dures, résistantes au gel, parfois anciennes, et c‘est avec elles que je travaille“. C‘est ainsi que s‘exprimait le rosiériste français Francis Meilland lorsqu‘il parvint, après de nombreuses tentatives de croisement, à créer le semis de roses portant le numéro 3-35-40 peu avant la Seconde Guerre mondiale.

Ce n‘est que vers la fin de la guerre, le 29 avril 1945, lorsque les Alliés prirent Berlin et que la fin de la guerre devint ainsi prévisible, que la rose reçut le nom de „Peace“ en souvenir de la catastrophe infinie de la guerre. En raison des troubles de la guerre, les dérivés de cette variété ont été nommés différemment dans les différents pays.

OPEN HOUSE. Fribourg

my private garden_exercices d’étrangeté

christiane hamacher

isabel moesch

2022